Parmi les réponses aux interrogations soulevées par la crise épidémiologique qui frappe l’Europe figure le renforcement des soins de santé à domicile. Dans le domaine de la rééducation, auquel les métiers enseignés au sein de l’École d’Assas contribuent, l’évolution vers plus de soins au domicile des patients est déjà bien engagée.
Ce sont avant tout des raisons financières qui motivent cette évolution, car il coûte moins cher à la communauté de rééduquer, voire de soigner, les patients à domicile qu’à l’hôpital. Toutefois, des raisons sociales expliquent aussi cette évolution, en particulier en ce qui concerne les personnes âgées. « Pendant longtemps, explique Danièle Maille, directrice de l’Institut d’ergothérapie de l’École d’Assas, on a imaginé les maisons de retraite façon « VVR » (village vacances retraite), en regroupant les retraités entre eux, mais aujourd’hui ce modèle est dépassé et la plupart des retraités veulent vieillir chez eux en gardant la plénitude de leur vie sociale. » De fait, les maisons de retraite d’hier cèdent le pas à des établissements spécialisés dans l’accompagnement des personnes en situation de handicap ou de perte d’autonomie. Et les retraités en situation d’autonomie, eux, privilégient alors l’intervention de l’infirmière ou du kiné à leur domicile.
« Prendre conscience de ces changements, poursuit Danièle Maille (qui est aussi directrice adjointe de l’Institut de kinésithérapie), est important pour l’avenir de nos étudiants, car cela détermine le mode d’exercice de leur métier de demain. On se plaint souvent du manque de kinés salariés, susceptibles de travailler dans le public, mais la France manque aussi, et va manquer de plus en plus, de kinés exerçant en libéral. »
Élue municipale de 2008 à 2014, Danièle Maille est convaincue qu’il y a beaucoup à faire en matière de complémentarité entre secteur public et secteur privé comme la crise sanitaire actuelle le montre. « Comme élue, j’ai été en responsabilité pour la réalisation d’un diagnostic territorial de l’accès aux soins des personnes âgées, témoigne-t-elle. Ce travail faisait suite à la mise en place d’un réseau gérontologique. » Ce diagnostic devait prendre en compte aussi bien les soins à domicile que les soins de ville ou les soins à l’hôpital local (de médecine et soins de suite sans services d’urgence), les maisons de retraite médicalisées et non, et les intervenants tiers, souvent oubliés, comme les mutuelles. « Il s’agissait, précise Danièle Maille, d’identifier l’ensemble du maillage territorial permettant le suivi et le maintien à domicile des personnes âgées avec une particularité, celle d’examiner la possibilité de leur faire effectuer de courts séjours en maisons de retraite, pour offrir des temps de répit à leurs aidants comme à leurs familles. »
Ces courts séjours en maison médicalisée représentent un dispositif intermédiaire peu développé aujourd’hui. A priori complexes à mettre en place, aussi bien au regard du nombre de professionnels libéraux sur un territoire donné que des contraintes administratives qui obligent à transformer au bout d’un temps déterminé un hébergement temporaire en hébergement définitif. Ils constituent néanmoins, Danièle Maille en est convaincue, une piste pour demain : « Si on veut maintenir les personnes à domicile, dit-elle, il faut inventer de nouveaux modèles au sein desquels privé et public peuvent coopérer. L’offre de courts séjours en maison médicalisée peut être un de ces modèles. Non seulement cela représente une occasion de repos pour les aidants mais aussi celle d’un bilan médical complet avec du personnel spécialisé. Enfin, ces temps de répit peuvent aussi permettre, le cas échéant, de réorganiser les soins avant le retour à domicile des personnes concernées. »
Lors de ses séjours au Québec, à l’occasion du doctorat qu’elle y a obtenu en 2019, Danièle Maille a été frappée par le grand nombre de fauteuils roulants que l’on y croise dans les rues.
« Ces fauteuils, explique-t-elle, symbolisent l’écart qui existe entre le Québec et la France en matière de rééducation. Au Québec, le coût d’une stratégie de rééducation est un critère de choix décisif et, comme remettre les patients debout coûte souvent plus cher que de les doter d’un fauteuil électrique, on n’hésite pas à leur en payer un au lieu de leur proposer la rééducation adaptée qui leur permettrait de reconquérir leur autonomie. Cet exemple montre bien à quel point les différences d’organisation sociale et de mentalité influent sur la prise en charge concrète des patients. Et justifie tout le travail effectué au sein de l’École d’Assas pour ouvrir nos étudiants à la diversité des politiques et des pratiques de santé au niveau international. »