Un pont vers le Japon pour la formation Kinésithérapie - Ecole d'Assas - Rééducation et Santé

Un pont vers le Japon pour la formation Kinésithérapie

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Un pont entre deux pratiques de la kinésithérapie et deux approches de la santé : ancien diplômé de la formation Kinésithérapie de l’Ecole d’Assas, Shotaro Tachibana en est aujourd’hui non seulement l’un des formateurs mais aussi le chef de projet pour le développement des relations de l’École d’Assas avec le Japon.

À l’origine de la vocation de Shotaro Tachibana, il y a le désir de « mieux connaître l’humain », né de la lecture de Tristes Tropiques, l’essai de l’ethnologue Claude Lévi-Strauss sur son expérience au Brésil. L’anthropologie n’offrant malheureusement que fort peu de débouchés, Shotaro hésite sur les études qu’il souhaite entreprendre après son Bac. C’est alors qu’une conseillère d’orientation le met sur la voie de la kinésithérapie : cette spécialité lui permettrait en effet de concilier son intérêt pour l’être humain avec la connaissance du corps qu’il a acquise en pratiquant le karaté.

« Je souhaitais une formation courte mais portée sur l’humain, raconte-t-il : la filière de la masso-kinésithérapie m’a tout de suite intéressé. J’ai présenté le concours et suis entré à Assas où j’ai été diplômé en 2007. Au départ, j’ai travaillé en intérim et effectué des missions en hôpital et en centre de rééducation, dans le but de financer un voyage au Japon : c’est le pays où j’ai mes racines et je voulais voir comment y était pratiquée la kiné. »

Ses économies épuisées, Shotaro Tachibana rentre en France où, après avoir délaissé quelques mois la kinésithérapie pour servir de traducteur auprès d’ingénieurs japonais sur un chantier d’autoroute en Algérie, il démarre une activité mixte, libérale et hospitalière, de masseur-kinésithérapeute.

En 2009, la reprise d’un cabinet dans le 15ème arrondissement de Paris lui permet de renouer les liens avec Assas. Tout d’abord, en accueillant des stagiaires de l’IFMK, puis en offrant sa candidature comme formateur fin 2013. Quelques semaines plus tard, en janvier 2014, un poste d’enseignant en traumatologie s’étant libéré, Shotaro rejoint l’équipe enseignante. « Au départ, se souvient-il, c’était un peu un saut dans l’inconnu mais, grâce au soutien des collègues, certains étant d’anciens professeurs et d’autres d’anciens camarades, j’ai pu m’adapter rapidement aux exigences de l’enseignement. »

Rééduquer les musiciens professionnels

En parallèle, il s’inscrit en licence en Sciences de l’Éducation à Paris V (Descartes) avant de poursuivre par un Master en « Ingénierie des systèmes d’organisation » à Montpellier 3 (Paul Valéry). « Ce dernier diplôme, explique-t-il, est à la fois une nécessité pour la conduite de projets à l’international mais aussi une ouverture sur la recherche à laquelle je souhaite me consacrer davantage. » Shotaro Tachibana a en effet développé un intérêt soutenu pour la rééducation des artistes musiciens, une spécialité qui le touche de près puisque son épouse est pianiste. Il y a dédié une part importante de sa formation personnelle continue, en a fait l’une des activités de son cabinet et souhaiterait encore approfondir le sujet.

« Le musicien professionnel est comme un sportif de haut niveau. S’il se blesse ou tombe malade, il doit ensuite pouvoir retrouver son niveau d’excellence, donc la plénitude de ses facultés. La différence entre le sportif et le musicien, c’est que la période d’activité de ce dernier est plus longue – certains artistes se produisent jusqu’à leur mort – et, par conséquent, la rééducation doit être durable. Quelles sont les contraintes et les attentes spécifiques du musicien ? Quelle est la relation entre le musicien et son instrument ? Quelle approche entreprendre pour sa rééducation ? Les questions à creuser ne manquent pas… »

Vers un partenariat stable avec le Japon

Shotaro Suwa Kaori kiné Japon
Suwa Kaori en visite à l’École d’Assas.

Indirectement, cette sensibilité pour les artistes, Shotaro Tachibana a d’ores et déjà pu la nourrir dans le cadre du partenariat avec le Japon dont il est l’artisan pour l’École d’Assas. Début 2016, il a en effet accueilli à l’IFMK une collègue nippone, Suwa Kaori, spécialisée dans le travail avec les professionnels de la danse (voir ici).

Avec le soutien de l’École, Shotaro coordonne en effet un projet qui porte sur le développement du savoir-faire français en matière de rééducation (à commencer par la kinésithérapie et la podologie) au Japon. Ce projet passe par la coordination de visites et rencontres franco-japonaises mais aussi par la mise en place, depuis 2014, d’un stage en formation initiale pour les étudiants de l’IFMK. « La barrière de la langue reste le plus grand obstacle entre nos deux pays car les Japonais, un peu comme les Français, utilisent l’anglais comme langue de travail écrit mais le parlent difficilement ».

Au Japon, le diplôme d’État de masseur-kinésithérapeute s’obtient à l’issue de 3 ou 4 années d’études par un examen sous forme de QCM. Ensuite, les étudiants qui souhaitent se lancer dans la recherche peuvent poursuivre par un Doctorat, rattaché à la filière des Sciences humaines.

Si d’un pays à l’autre les compétences de la profession (anatomie, mécanique) sont similaires, la pratique diffère, en particulier dans le rapport au corps, plus marqué par la pudeur au Japon. Autre différence, au Japon la loi ne permet pas l’exercice libéral de la kiné : si la rééducation se fait en milieu hospitalier, les soins de proximité (lombalgies, douleurs articulaires) relèvent quant à eux de la médecine traditionnelle. En outre, comme ailleurs en Orient, les Japonais ne travaillent pas en infra-douloureux comme nous le faisons en France mais avec une douleur supportée par le patient.

S’ouvrir pour améliorer la norme

Pour Shotaro Tachibana, « les contacts internationaux sont une occasion unique d’enrichir notre vision de la meilleure façon de soigner les gens, en particulier pour un pays comme la France où cohabitent tant de cultures différentes ».

« Sans oublier, précise-t-il, qu’il existe différentes formes de médecine, comme la médecine traditionnelle chinoise que j’ai pu découvrir grâce à l’encadrement d’étudiants d’Assas à l’Hôpital de Wenzhou, en Chine, qui nous a permis d’approcher la santé dans un autre contexte culturel. »

« En outre, l’enjeu de l’ouverture à l’international, poursuit-il, c’est l’amélioration de la norme de la kinésithérapie au niveau international ; en renforçant la qualité globale de la profession, on va augmenter son niveau de reconnaissance. Cela concourt de la mise en place de l’EBP, Evidence-Based Pratice : l’instauration de normes internationales favorise une meilleure évaluation des gestes pratiqués, donc une meilleure reconnaissance de la profession. »

Selon Shotaro, la kinésithérapie de demain pourrait avoir un visage très différent de celui qu’elle a aujourd’hui. D’une part parce que, si la réforme des études est portée à son terme, notamment en débouchant sur la recherche via des Doctorats, « elle pourrait fort bien faire des kinés des professionnels polyvalents, en quelque sorte des ingénieurs du corps humain ». D’autre part parce que sa perception parmi la population pourrait évoluer, « si on parvient à démontrer que la kinésithérapie est utile non pas simplement sur le plan médical mais aussi socialement ou anthropologiquement » comme Shotaro en est intimement convaincu.

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