Depuis cette rentrée 2017, l’IFMK de l’École d’Assas compte une nouvelle intervenante en la personne de Pauline Bégué, doctorante en philosophie à l’École normale supérieure de Paris. L’objet de ses travaux – l’expérience de la maladie chez les médecins – s’inscrit dans sa préoccupation plus générale pour la place du soin dans nos sociétés.
Scientifique de formation, Pauline Bégué est arrivée à la philosophie après maints tours et détours universitaires : d’abord étudiante en école de sage-femme, elle a ensuite choisi de s’orienter vers la psychologie pour obtenir finalement un master de « Sociologie et philosophie politique » avec un mémoire portant sur le choc personnel, professionnel et social que représente l’épreuve de la maladie pour un médecin.
C’est au travers de la pratique du bénévolat que le soin lui est apparu dans sa mission sociale et son exigence politique : « J’ai ressenti le besoin de mettre des mots sur ce que j’avais vécu et de m’intéresser aux principes et aux valeurs régissant l’univers du soin ». Or, au même moment, une personne de son entourage, médecin, apprenait être frappée d’une maladie grave. Avec l’accord de son directeur de mémoire, c’est donc cette situation paradoxale et paradigmatique du « médecin-malade » – qui projette le soignant de l’autre côté du miroir – qui devint l’objet d’étude de son master puis, aujourd’hui, de sa thèse.
« La maladie oblige le médecin à revenir à l’essence même du soin en l’amenant à se poser la question du choix de sa vocation » explique-t-elle. En nous rappelant à notre vulnérabilité constitutive, l’annonce d’une maladie grave nous place face à nos priorités. Pour un médecin, et tout professionnel soignant, cela signifie aussi reconsidérer son rapport au patient d’une part et à l’institution médicale de l’autre. « Par exemple, les personnels soignants se voient souvent reprocher de réduire, à leur seule explication technique, l’expérience des patients, les désappropriant en quelque sorte de leur vécu. La maladie vient alors renverser leur perspective, en les obligeant à faire un pas de côté. Au cours des entretiens que j’ai réalisés pour mon mémoire, j’ai pu observer que parmi les médecins qui reprenaient leur exercice professionnel à la suite d’une maladie, la plupart s’attachaient à mettre en place des initiatives pour favoriser la parole des malades et les accompagner dans l’invention d’un style de vie propre, avec ou après la maladie. Le soin devient alors ce lieu critique et créateur d’une nouvelle forme de lien social, porté par un désir d’altérité.»
Pauline Bégué est avant tout attachée à la compréhension des ressorts et des mécanismes qui animent l’univers du soin, cherchant à rendre visible par ses travaux la puissance émancipatrice du soin. Son directeur de thèse, Frédéric Worms, est un philosophe qui envisage l’histoire de la philosophie à travers une succession de « moments » et voit précisément notre époque comme celle du « moment du soin » auquel il a consacré un ouvrage (PUF, 2010). Pour Pauline Bégué, « si on ne soucie pas de soi et des autres, on ne peut pas se soucier de la communauté. Arrivée à la philosophie par les soins, je la vois comme un outil pour contribuer à leur valorisation. »
Repérée par Nicole Maurice et Michel Pillu lors du séminaire qu’elle organise à la chaire de philosophie de l’Hôtel-Dieu, nouvellement créée par la philosophe et psychanaliste Cynthia Fleury, Pauline Bégué a pour mission d’ouvrir les étudiants à une vision à la fois large et profonde des évolutions en cours dans l’univers du soin. « L’ensemble du personnel de santé me semble en quête de sens. Le problème reste que, même quand un soignant a conscience que derrière l’organe souffre une personne, le système de soin actuel ne lui laisse guère la disponibilité de prendre le temps de s’arrêter avec cette personne. Reste malgré tout la possibilité d’un geste, d’un regard, d’une attention. » Toutefois, il y a des initiatives très intéressantes comme celles des universités des patients (voir ici) dont l’objet est de faire des patients des acteurs du système de santé en les formant à leur maladie.
Intervenant auprès des K1, Pauline Bégué se propose d’entraîner les étudiants à réfléchir sur ce que la maladie et le soin nous révèlent de l’être humain, de sa vulnérabilité, de ses capacités : « La kinésithérapie est d’autant plus intéressante que sa vocation est essentiellement et étymologiquement, une thérapie par le mouvement et que son intervention vise à remettre en mouvement l’individu, son corps, son existence, sa vie elle-même. »
L’École d’Assas est heureuse et fière de souhaiter la bienvenue à Pauline Bégué en espérant qu’elle pourra accompagner nos étudiants à contribuer à l’évolution du rapport soignant-soigné qui est au cœur de ses travaux.
Lien vers la Chaire de Philosophie de la Santé de l’Hôtel Dieu.