Diplômée d’Assas en 2001, Cindy Bouché a rejoint l’équipe enseignante de l’IFPP en 2008. Aujourd’hui responsable pédagogique des premières années, elle enseigne également l’anthropologie et la coordination interprofessionnelle aux P3 tout en demeurant formatrice en TD de soin, en TD de semelle, mais aussi en examen clinique. Cet agenda bien chargé ne l’empêche pas de poursuivre des études de haut niveau en sciences de l’éducation pour mieux faire partager son amour du métier de podologue-pédicure comme sa passion de la pédagogie.
Issue d’une famille tournée vers le transport aérien, Cindy Bouché n’était apparemment pas destinée à la podologie. Cependant, même la Californie, où elle a passé une année au lendemain de son bac, n’a pas eu raison de sa vocation : prendre soin des autres.
Après une prépa kiné-podo à Bordeaux, elle a été prise à l’École d’Assas où elle a obtenu son diplôme. À la sortie de l’IFPP, elle a effectué quelques remplacements avant de racheter un cabinet en région parisienne.
C’est un coup de téléphone d’un ancien camarade de promotion qui la ramènera vers Assas. L’objet de l’appel est en effet de l’informer qu’un poste de formatrice sur un terrain de stage extra-hospitalier est à pourvoir suite à une défection. L’idée de rendre service à l’École et aux étudiants la convainc d’accepter bien qu’elle n’ait jamais songé, ni désiré, enseigner. Débarquée dans un lieu inconnu (un centre de rééducation pour adultes handicapés) avec des équipes inconnues – le personnel du centre mais aussi les étudiants –, elle n’a pas d’autre choix que d’apprendre le métier sur le tas. L’expérience toutefois se révèle très enrichissante et formatrice, aussi bien en ce qui concerne les échanges avec les patients que ceux avec les étudiants.
« La proximité avec les étudiants m’a beaucoup aidée, explique-t-elle : très vite on s’est rendu compte qu’on partageait la même culture, celle de l’École, ce qui créait du lien entre nous. J’ai découvert que l’enseignement me plaisait. »
Ensuite, tout va s’enchaîner en un peu moins d’un an : apprenant qu’un poste d’enseignant à l’IFPP se libérait, Cindy propose sa candidature et revend son cabinet. Elle est embauchée comme formatrice soins et semelle à la rentrée 2008/2009.
Tout se passe bien mais Cindy Bouché se retrouve bientôt face à un obstacle qu’elle avait déjà entrevue lors de son remplacement comme formatrice en terrain de stage : comment bien former ? comment évaluer son enseignement et l’améliorer ? « Certes, raconte-t-elle, j’étais déjà formatrice dans mon cabinet, en réflexologie mais aussi dans le cadre d’un réseau diabète, mais je n’étais pas formée à former. »
Sur les conseils du directeur de l’IFPP, elle va s’inscrire en sciences de l’éducation à l’université de Paris Descartes où elle va obtenir une licence puis un master en « Formation de formateurs de professionnels de santé ». Mordue par le virus de la pédagogie, elle va même compléter ce cursus par un nouveau master, par correspondance, en « Ingénierie de la pédagogie et de la formation ».
Ce parcours universitaire, d’autant plus exigeant qu’il se greffe sur une vie bien remplie, n’a pas de rapport direct avec la podologie mais permet à Cindy d’alimenter son savoir en enrichissant sa compréhension du poste de responsable pédagogique qu’elle occupe depuis la rentrée 2014/2015. « Cela me permet de connaître les meilleures méthodes et les meilleurs outils d’enseignement ; cela m’aide aussi à réfléchir à mes évaluations comme à l’organisation de mon année, bref,à rendre mon enseignement optimal en fonction des programmes et des exigences spécifiques d’Assas. »
Réfléchir au geste juste
En l’écoutant partager sa passion pour la pédagogie, l’envie vient de lui demander de juger son premier stage, celui qui a tout déclenché… Dans un éclat de rire, elle répond : « Ma voie était là. Si ça s’est bien passé alors que j’allais à tâtons, c’est probablement parce que les étudiants ont senti combien j’aime mon métier et combien j’aime, sans doute encore plus, le partager. »
Ce qui tient à cœur à Cindy Bouché, c’est le côté réflexif des soins en pédicurie-podologie. Pour elle, « il est très important de réfléchir au geste en amont, de penser le geste avant de l’accomplir, d’essayer de visualiser tout ce qui va pouvoir être fait pour potentialiser notre intervention ». Cette analyse préalable du soin, elle en a fait l’un des éléments clés de son enseignement et propose régulièrement à ses étudiants de créer un cas clinique pour étudier avec eux toutes les éventualités d’intervention ou de traitement qui y sont liées. Même si le podologue peut être amené à travailler de façon automatique, il ne devrait jamais se lasser de s’interroger sur sa pratique. C’est en tout cas la discipline que Cindy s’efforce de transmettre aux futurs professionnels dont elle a la charge.
Quelle évolution pour la profession ?
Pour Cindy Bouché, le rayonnement du métier de pédicure-podologue ne peut passer que par une bonne formation à la base. La réforme des études, qui a vu ses premiers diplômés en 2015, a abordé la pédagogie sous un principe de compétences. « Le problème, c’est de comprendre où commencent et où finissent les compétences de chaque profession, explique-t-elle. Je prends un exemple : aujourd’hui on voit des osthéos faire de la semelle et des podos faire de la manipulation. Les monopoles sautent, c’est un constat. Maintenant, il faut veiller à ce que les patients n’en soient pas les victimes. »
« En soi, les professionnels de 2016 sont formés à de très nombreuses pratiques, bien plus qu’il y a 15 ans quand je me suis diplômée, sauf que beaucoup de pratiques sont communes à d’autres professions de santé. Évidemment, c’est réciproque : nous voyons d’autres paramédicaux arriver sur le terrain de la podologie mais nous sommes nous aussi attirés par de nouveaux domaines jusqu’à présent réservés à d’autres professionnels. »
En dépit du risque de perte du savoir-faire classique et de la maîtrise des bases du métier que représente cet élargissement du champ de compétences des professions de santé, Cindy Bouché y voit une ouverture pleine de potentiel. La promotion 2015 de l’IFPP Assas illustre bien cette évolution à ses yeux : « Ces jeunes diplômés n’ont clairement pas le même niveau que leurs prédécesseurs en ce qui concerne la pratique (ils ont eu moins d’heures de formation spécifique) mais sont bien mieux préparés en ce qui concerne l’aspect réflexif et l’ouverture intellectuelle. Leur désir de continuer à se former le montre bien : la plupart d’entre eux ont repris une formation dans la foulée de leur diplôme. »
Pour Cindy, cette envie de continuer à se former est le fruit de la réforme et représente un élément très positif pour la profession. Pour elle, « les nouveaux pédicures-podologues sont amenés à réfléchir sur l’impact de leurs soins sur le patient : sur le pied lui-même mais aussi sur tout le corps du patient ». La réforme les a familiarisés avec les marqueurs d’état de santé. Cela peut favoriser l’émergence d’une génération de pédicures-podologues davantage tournée vers le conseil, en réponse à une demande toujours plus forte.