« Si j’ai rejoint l’École d’Assas, c’est à la fois grâce à un concours de circonstances – après huit ans d’encadrement en hôpital, je souhaitais me consacrer de nouveau à la formation quand j’ai appris que l’École d’Assas recherchait un directeur adjoint pour son Institut de kinésithérapie – et à ma rencontre avec un projet pédagogique ambitieux, tourné vers l’avenir des métiers de la rééducation. » Membre de l’équipe pédagogique de l’École d’Assas en 2014, Danièle Maille en est aujourd’hui l’un des piliers puisqu’elle a ajouté à ses responsabilités au sein de l’IFMK (Institut de formation en masso-kinésithérapie) celles de directrice de l’IFE (Institut de formation en ergothérapie).
Diplômée au début des années 80, Danièle Maille exerce tout d’abord en libéral, pendant près de 15 ans. Une activité riche, mais prenante, au point de ne pas lui laisser le temps de se consacrer à la formation, secteur qui l’attire pourtant fortement. « J’ai fait l’école des cadres quatre ans après mon diplôme dans l’idée de pouvoir enseigner, explique-t-elle. Sauf que mon cabinet ne m’en laissait guère la possibilité. Finalement, ce sont des circonstances familiales qui m’ont permis de m’orienter vers l’enseignement. Après avoir cessé mon activité libérale à la naissance de mon troisième enfant, j’ai en effet choisi, au moment de reprendre le cours de ma carrière, de rejoindre l’équipe pédagogique de l’IFMK où je m’étais diplômée. »
Une expérience qui dure jusqu’en 2006, moment où Danièle Maille intègre le personnel d’encadrement de l’hôpital de son lieu de résidence : Doué la Fontaine, dans le Maine-et-Loire. « À temps partiel d’abord, puis à temps plein ensuite, l’hôpital m’a offert l’opportunité d’avoir une vue d’ensemble de la rééducation, de la réadaptation et du suivi des patients. » L’établissement comporte en effet plusieurs pôles réunissant un service SSR (soins de suite et réanimation), des hébergements pour personnes âgées médicalisés, ou non, un SSIAD (service de soins infirmiers à domicile), des lits de soins palliatifs, un service d’hospitalisation à domicile et des places d’accueil de jour. « C’était une activité très variée, poursuit-elle, qui m’a permis de prendre de la hauteur par rapport à mon travail, en organisant le suivi des patients depuis leur lit d’hôpital jusqu’à leur retour à domicile. C’est aussi là que j’ai eu l’occasion de me familiariser avec le travail des ergothérapeutes. »
Au cours de ses années d’enseignement, Danièle Maille reprend en parallèle ses études pour passer un master en pédagogie et communication médicale. Ses fonctions l’amènent aussi à participer aux travaux préparatoires à l’universitarisation des études de kinésithérapie et à la mise en place du master « Vieillissement et handicap » au sein de l’université Paris XI. Ces expériences vont l’encourager ensuite à s’inscrire en doctorat juste avant de rejoindre l’École d’Assas. « De façon étonnante, précise-t-elle, il n’existe aucun écrit scientifique sur le sujet du corps à corps qui est à la base de notre métier qui se fonde sur l’exercice corporel rapproché entre le praticien et le patient. Quand j’ai pris conscience de cet impensé, j’ai donc choisi d’en faire mon sujet de thèse et les passerelles qui existent en France entre les sciences humaines et les sciences de l’éducation m’ont grandement aidée pour cette recherche inédite. » C’est en 2019 qu’elle soutient sa thèse – intitulée « De la praxis à la praxie pour la mise en place du corps à corps en kinésithérapie » – et décroche avec succès deux doctorats : l’un à l’Université Catholique d’Angers et l’autre à l’Université de Sherbrooke au Québec.
À l’École d’Assas, depuis 2018, Danièle Maille participe à la fois à la direction des études de kinésithérapie et d’ergothérapie. Cette double implication est importante à ses yeux, car non seulement elle s’inscrit dans le droit fil de son travail comme cadre supérieur de santé à l’hôpital de Doué-la-Fontaine, mais lui permet aussi d’envisager de façon globale la formation en rééducation et réadaptation et, notamment, facilite son travail pédagogique en interdisciplinarité.
« Cette interdisciplinarité, souligne-t-elle, est au cœur de notre travail, et est parfaitement en ligne avec ce qui se fait à l’École d’Assas, notamment durant la Semaine Internationale à laquelle nos étudiants sont associés. Les contacts pris durant la Semaine Internationale sont aussi un moyen d’ouvrir nos étudiants en ergothérapie à la vision du métier dans les autres pays. Au sein de l’IFE, nous avons développé dès l’an dernier un partenariat avec l’Université de Grenade et amorçons cette année une collaboration avec celle de Trois-Rivières au Québec. La crise actuelle complique un peu les choses, mais la langue commune va nous permettre d’offrir des cours à distance avec l’Université des Trois-Rivières. »
Pour Danièle Maille, il est essentiel d’organiser les compétences des étudiants pour qu’au moment de leur entrée dans la vie professionnelle ils aient une connaissance des autres métiers de la rééducation : « L’un des projets auquel je m’attache, souligne-t-elle, c’est que nos diplômés sachent ce que fait un kiné, un pédicure-podologue, un ergothérapeute ou un psychomotricien. Comme deux ou trois praticiens différents peuvent être amenés à intervenir pour la rééducation d’un même patient, il est indispensable que chacun d’eux soit capable non seulement d’expliquer ce qu’il fait, mais aussi de comprendre ce que font les autres et ce que chacun d’entre eux peut apporter au patient. »
Accompagner l’évolution des métiers de la rééducation
Au sein de l’IFE, une première initiative allant dans le sens de l’interdisciplinarité a été prise cette année. Elle vise à rapprocher les ergothérapeutes des podologues, soit les deux formations de l’offre pédagogique de l’École d’Assas a priori les plus éloignées l’une de l’autre. Réunis en petits groupes, tour à tour chez les ergos sur le domaine du Mérantais et chez les podos à la clinique de la villa Thoréton, les étudiants ont pu échanger et travailler autour d’un thème commun. Comme l’expérience est satisfaisante, il est prévu de la développer en y intégrant les étudiants kinés.
« Attention, avertit toutefois la directrice de l’IFE, il ne s’agit pas de considérer que les formations, et donc les métiers, sont interchangeables, mais de faire en sorte que tous les acteurs de la rééducation soient de plus en plus pertinents dans leurs interventions auprès des patients. Or, pour être pertinent, il faut à la fois connaître ses limites et celles des autres professionnels de la rééducation. » Il ne saurait en effet y avoir de rééducation réussie sans une complémentarité interdisciplinaire efficace.
« L’expérience prouve, conclut Danièle Maille, que le patient se moque de l’intervenant qui va s’occuper de lui : ce qu’il veut, c’est un résultat. Dans cette optique, il faut que les soignants puissent définir les objectifs les mieux appropriés à sa situation en ayant une vision d’ensemble de la rééducation de ce patient. C’est à la formation de praticiens susceptibles de concourir à une telle vision que nous nous employons au sein de l’École d’Assas. »
Si, d’ordinaire, Danièle Maille consacre l’essentiel de son temps à l’IFMK, c’est l’IFE qui l’occupe aujourd’hui en priorité, en raison de l’enjeu que représente l’ouverture à venir, en septembre 2020, de la troisième année d’études. Une ouverture forcément un peu compliquée par la crise sanitaire qui rend difficile la programmation de la rentrée comme elle était envisagée. « La difficulté réside surtout, précise-t-elle, dans le fait qu’il est difficile de bloquer le calendrier de nos intervenants extérieurs tant que nous ne sommes pas, tous, sortis de la crise sanitaire. Il y aura aussi une partie du programme de travail pratique de cette année à réorganiser, mais, en contrepartie, on a entrepris de prendre de l’avance sur des cours en éducation thérapeutique du patient et sur la préparation des mémoires de fin d’études en anticipant les cours théoriques qui les concernent : initiation à la recherche, à la lecture critique d’articles scientifiques, etc. »