Rugbyman depuis 45 ans, kiné depuis 30 ans, professeur à l’IFMK de l’École d’Assas depuis 20 ans, Marc Antonello est un professionnel reconnu pour son expérience hospitalière et le rôle qu’il a joué dans la définition, l’organisation et la structuration du métier de kinésithérapeute en service de réanimation hospitalière.
Responsable du module de pneumologie-réanimation à Assas, il est également l’auteur de nombreuses publications scientifiques, l’une des dernières ayant été publiée cet été dans la prestigieuse revue américaine Respiratory Care (lien).
Diplômé d’État de l’IFMK de l’hôpital Lariboisière en 1985, Marc Antonello commence à pratiquer la kinésithérapie au service de neurologie de l’hôpital Raymond Poincaré. Au bout de deux ans, il se laisse tenter par une expérience en libéral à l’Hôpital américain de Paris puis par un exercice mixte au Centre de rééducation et de réadaptation fonctionnelles La Chataigneraie de Menucourt avant de faire son retour à l’Assistance publique, mais à Boucicaut cette fois. Comme il le raconte, le professeur Labrousse cherchait alors un kinésithérapeute pour son service de réanimation : « J’avais eu la chance de croiser Claude Lepresle à Laënnec qui, à l’époque, avec Necker, était le temple de la kiné respiratoire française, et c’est lui qui a parlé de moi à Jacques Labrousse. On peut dire que, même si j’étais déjà très attiré par la kinésithérapie respiratoire, c’est un peu par hasard que j’ai commencé à la pratiquer. »
Quelques années plus tard, après avoir créé la Société de Kinésithérapie et de Réanimation avec le soutien précieux de la Société de réanimation de langue française (SRLF) et lancé la revue Kinéréa avec Dominique Delplanque, Marc Antonello a commencé à s’interroger sur le mode d’exercice des kinésithérapeutes en réanimation. « Notamment, explique-t-il, parce qu’à l’époque on n’exerçait pas le samedi et le dimanche et qu’il me semblait absurde de n’être partie intégrante des équipes de réanimation que cinq jours sur sept… »
Il faut bien voir qu’en ce début des années 1990, alors que la plupart des hôpitaux français ignorent encore tout du rôle de la kinésithérapie en réanimation, seuls quelques « patrons » visionnaires ont conscience du potentiel clinique de la kinésithérapie en matière de soins respiratoires, et pas seulement de soins locomoteurs.
Après avoir obtenu la mise en place de tours de garde à Boucicaut, Marc Antonello sent toutefois que le métier de kiné en service de réanimation peut être encore mieux organisé et profite du soutien de l’Assistance publique pour aller se former en management à l’École des Cadres tout en passant une licence des sciences de l’éducation.
À sa sortie, alors que les premiers textes réglementaires qui mentionnent la nécessité de la kinésithérapie en réanimation ont été publiés – et à la rédaction desquels il a participé –, il rejoint l’hôpital Antoine Béclère où carte blanche lui est donnée pour mettre en œuvre ses idées en la matière et organiser une équipe de masseurs-kinésithérapeutes spécialisée en réanimation.
C’est à la même période qu’il commence à enseigner à l’École d’Assas, entraîné par Claude Lepresle et Jean Wils. « Très vite, confie-t-il, ils m’ont laissé la main sur l’organisation du module d’enseignement et j’ai pu travailler avec Jean Signeyrole à la mise en place d’une formation en kinésithérapie adaptée à la pneumologie et à la réanimation.
Aujourd’hui, Marc Antonello ne cache pas son inquiétude quant à l’avenir du métier. Tout d’abord parce que la réforme actuelle, qui risque de marquer la profession pour les 30 prochaines années, n’est selon lui que le fruit d’une petite minorité d’intervenants institutionnels qui n’ont pas pris la peine d’entendre les professionnels, en particulier les formateurs, mais aussi les kinés en milieu hospitalier. Et surtout parce qu’elle conforte la tutelle médicale sur la kinésithérapie. Comme cadre de l’AP-HP, il doute que les futures générations d’étudiants puissent répondre aux besoins de l’hôpital, en particulier en matière de préparation à la recherche clinique que seule une ouverture vers le haut de la filière universitaire – par exemple par la création d’un doctorat en kinésithérapie – aurait permise. Considérant également la faible attractivité financière de l’hôpital par rapport au privé, il estime que la pénurie de kinés en milieu hospitalier ne peut que s’accentuer.
Pour les praticiens en libéraux, l’avenir lui semble tout indiqué par les évolutions démographiques : ils travailleront toujours davantage avec les personnes âgées. « Pour s’en sortir et continuer à faire évoluer notre métier en évitant de n’être que de simples rééducateur, il faut que l’on puisse prendre toute notre place dans l’évaluation fonctionnelle des patients. Comme cela s’est passé en réanimation, c’est le fait d’offrir un regard différent, une perspective à plus long terme (celle du retour du patient chez lui et pas seulement sa sortie de réa) qui peut séduire les médecins. »
Le rugby est un excellent modèle d’organisation et de management : quand il y a autant de solidarité, de responsabilité individuelle et collective dans une équipe de soins qu’il y en a dans une équipe de rugby, ça améliore grandement la prise en charge des patients. Le positionnement d’un encadrant, qu’il soit formateur ou manager, est très proche de celui d’un coach qui aide chacun à prendre conscience de sa place, de son importance au sein du collectif mais aussi à évaluer sa performance avec ses points forts et ses faiblesses. Ensuite, il s’agit de mettre en place les conditions de la progression. Mais lorsque le match commence ou que le soignant exerce son art, le coach ne peut plus guère modifier l’action en cours…
En 20 ans à l’IFMK d’Assas, Marc Antonello a vu les outils pédagogiques à disposition des enseignants et des étudiants évoluer considérablement. Cette évolution des techniques a énormément amélioré et facilité l’enseignement : « Grâce à l’imagerie électronique, aux représentations en volume et à Internet, qui multiplie l’accès aux ressources documentaires, on est passé de cours schématiques en 2D à des cours pratiques en 3D. On gagne un temps fou qui permet aux étudiants de mieux appréhender la réalité physiologique de leurs futurs patients. »
Du coup, si on demande à Marc Antonello s’il ne ressent pas une quelconque usure au bout de 20 ans d’enseignement, sa réponse ne se fait pas attendre : « Je n’ai jamais aimé qu’une chose dans la vie, c’est être en contact avec les autres êtres humains et, pour ça, l’enseignement c’est fabuleux. Mes deux parents sont enseignants et j’aurais très bien pu devenir prof de lettres ou de philo mais ils m’en ont un peu dissuadé. Du coup, je me voyais bien médecin dans le Lot, ma région d’origine. Toujours pour le contact et la relation avec les gens. Finalement j’ai choisi la kiné à l’hôpital après avoir manqué de peu le concours de médecine, l’hôpital apportant également la dimension communautaire, celle du travail en équipe, qui me plaît et que le rugby m’a aussi apportée. »
Quant aux étudiants, ils ont selon lui un grand mérite, « celui d’être moins cons (au sens de Brassens) que la moyenne » ! « Tout simplement, explique-t-il, parce qu’ils sont dépourvus de convictions trop cimentées ou d’idées toutes faites. En plus, ceux d’aujourd’hui me donnent l’impression d’avoir rencontré très peu d’adultes dans leur jeunesse et sont, une fois le contact établi, très avides de confronter leur compréhension de la vie avec celle d’êtres humains ayant une plus longue expérience. »
« Bref, conclut-il, ma passion pour l’enseignement est intacte. »
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