La conférence ENPHE 2018 a offert un large survol des pistes pédagogiques actuellement empruntées par la masso-kinésithérapie européenne. Voici un résumé des principales interventions scientifiques proposées au public. Vous verrez que la réflexion pédagogique est toujours plus approfondie, ne négligeant ni les évolutions de la société, ni les nouvelles technologies, ni les bases manuelles du métier.
L’approche multidisciplinaire est l’une des pistes pédagogiques les plus parcourues actuellement. Ainsi, Anita Ahlstrand, enseignante à l’Université Metropolia d’Helsinki, a présenté le projet MINNO© qui réunit l’ensemble des étudiants autour d’un projet innovant: « quand une infirmière rencontre un homme/femme d’affaires, quand un physiothérapeute rencontre un ingénieur, le résultat est une façon de penser unique complètement nouvelle ». L’idée est de faire coopérer les étudiants avec des étudiants venus d’horizons autres que celui de la santé. Il en découle des projets innovants tel que Rehaboo qui s’appuie sur les ressources des consoles de jeu pour aider les enfants à avoir un séjour agréable à l’hôpital (How to help children to experience a more enjoyable hospital visit with new technology? Physiotherapy Microsoft Xbox Kinect game for the New Children’s hospital).
Une autre tendance est l’émergence d’une relation plus transversale entre l’étudiant et l’enseignant. Les étudiants sont associés à la construction du cours en amont de celui-ci, ce qui rend l’enseignement plus participatif, laissant la place à plus d’échange. Le travail en petits groupes devient prépondérant par rapport au cours magistral dont le format, jugé trop passif, tend à disparaître. C’est exactement le sens de l’intervention de François Taddei, co-fondateur du Centre de Recherches Interdisciplinaires et auteur du rapport sur la société apprenante: « Inventer l’éducation supérieure du XXIème siècle suppose de passer à une pédagogie active (…) un renforcement des activités collaboratives, favorisant le travail en équipe » (à télécharger ici).
Cinq étudiants européens : Sarah Vignaux et Alexandre Tan de l’École d’Assas, Yusra Sert de l’Université Marmara en Turquie (en mobilité Erasmus à Assas), Selma Reynisdóttir, de l’Université d’Islande et une étudiante du CEERRF ont pris la parole. Accompagnés par François Taddei, Olivier Bory, interne en médecine et Flavien Quijoux kinésithérapeute, tous deux membres du Health Lab du CRI Paris, ils ont pu présenter l’expérimentation pédagogique interdisciplinaire en kinésithérapie réalisée au CRI pour ensuite échanger avec la salle sur « l’IFMK idéal » : un espace ouvert aux possibles, au rêve, à l’imagination des étudiants, à l’écoute de leurs idées. François Taddei a été le modérateur du débat. Les directeurs d’IFMK ont souligné que la nouvelle gouvernance des IFMK institutionnalise la démocratie étudiante, mais il ne s’agit pas de cela. Il s’agit d’espaces où chaque étudiant en tant qu’individu exprime sa créativité autour d’un projet en équipe et le mène à terme dans le cadre de sa formation, à la frontière du formel et de l’informel. Les nouvelles approches de la pédagogie valorisent à la fois la créativité de l’individu en tant que tel mais toujours en équipe, sur un mode collaboratif et transversal.
Les nouvelles technologies sont de plus en plus utilisées pour apprendre dans le cadre de l’apprentissage. L’IFMK de Bègles a présenté le Serious Game Petrha: « initié pour répondre à de réelles problématiques de santé européennes, [il permet] aux étudiants et futurs professionnels en physiothérapie de s’entrainer au raisonnement clinique grâce à la simulation numérique dans le but d’une meilleure prise en charge du patient ». http://petrha.eu/. Ce projet a été présenté par Estelle de Temmerman (K4) et Ashley Van Haluwyn (K2). Sous l’œil attentif et bienveillant de leur enseignant Bruno Albouy, responsable K3, ces deux étudiantes ont présenté le jeu et sa pertinence pour la formation initiale.
Mais la technologie est aussi présente dans le traitement des patients, tel que l’ont montré Franck Van Zon (Physitrack BV) et Jasmin Pekaric (University of Applied Sciences Institute for Human Movement Studies, Utrecht). Les nouvelles technologies permettent d’obtenir d’excellents résultats dans le réentraînement à l’effort, le traitement de la douleur, l’amélioration de la posture avec une nouvelle approche de la rééducation du patient. L’utilisation de la technologie permet d’améliorer l’appropriation par le patient de la gestion de son temps et de ses soins, d’une manière multidimensionnelle. Un des principaux intérêts de la technologie est d’interdire l’à-peu-près et donc de renforcer tout ce qui implique l’utilisation des niveaux de preuves. À travers les jeux, la réalité virtuelle ou augmentée, permet une nouvelle pédagogie et une nouvelle didactique vis-à-vis des patients mais forme aussi une compétence nouvelle des étudiants pour le 21ème siècle. Le physiothérapeute doit partager et collaborer avec son patient, il doit remplacer la peur de l’inconnu par la curiosité. Toutefois, les deux auteurs ont aussi insisté sur le fait que l’apparition de ces technologies nouvelles dans la rééducation n’empêche pas la physiothérapie d’être encore et toujours, une affaire de professionnels aguerris.
En matière de professionnels aguerris, l’assistance a particulièrement apprécié la conférence de Pasquale Gallo, enseignant à l’IFMK Valentin Haüy, qui présentait la pédagogie mise en place en coopération avec Thierry Lassalle, responsable K3 à l’IFMK Assas, pour les étudiants mal voyants. Cette pédagogie originale est complètement méconnue dans le nord de l’Europe, puisqu’il n’y a pas dans ces pays d’écoles dédiés aux mal-voyants. En Europe, seule l’Espagne a une école spécialisée dans le handicap visuel, ce qui a suscité de nombreuses questions sur les méthodes d’enseignement et la mise en stage.